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Le 20 janvier 1945, de retour d’une mission à Heilbronn, la Forteresse Volante B17-G 48151 américaine « Princess Pat/Sweet & Lovely» est touchée par la FLAK à Ettenheim en Allemagne et se pose en catastrophe entre Waldolwisheim et Altenheim.

© Bernard LINDER

La Forteresse Volante « Princess Pat » attira vite les populations des villages alentour avant que les troupes américaines n’interdisent le secteur. (1)

Le B-17 Flying Fortress est un quadrimoteur de 23 mètres de long pour une envergure de 30 mètres. Il a été imaginé et construit par Boeing Airplane Factory à Seattle, Washington. Plus de 12 700 de ces bombardiers lourds furent construits entre 1939 et 1945.

                                              Maquette d’un B17-G


Celui qui nous intéresse, le B17-G 48151 «Princess Pat/Sweet & Lovely», a été réceptionné par l’USAAF le 22/06/1944 et affecté le 09/08/1944 au 390th Bomb Group (2) qui était composé de 4 escadrons : 568, 569, 570 et 571. Le « Princess Pat » sera intégré au 569th Bomb Squadron. (3)

Ce 20 janvier 1945, le « Princess Pat » faisait partie d’un impressionnant dispositif, la mission 801 de la 8th Air Force, composée de 772 bombardiers et 455 chasseurs pour détruire une usine d’huile synthétique, ainsi que des lignes de chemin de fer, des ponts et autres sites stratégiques en Allemagne de l’Ouest. 684 ont atteint leurs objectifs. 187 d’entre-eux ont bombardé la gare de triage de Heilbronn. Lors de cette mission 1 769,7 tonnes de bombes ont été larguées ; 6 avions ont été perdus et 8 hommes d’équipage tués.

Au retour de cette mission, le Princess Pat, atteint par des tirs de la FLAK, a été forcé d’atterrir entre Waldolwisheim et Altenheim.

Raymond Heschung (4) qui avait vécu cet événement nous livre son témoignage :

"Originaire de Neuwiller-lès-Saverne, j’avais 15 ans au moment des faits. Ce matin du samedi 20 janvier 1945, je partis faire un tour à bicyclette du côté de Saverne pour essayer mon vélo de la Wehrmacht que m’avait offert un officier américain stationné au Foyer Jean Bosco de mon village, alors quartier général des Américains.

Vers midi, sur le pont du canal de la Marne au Rhin, à Steinbourg, j’ai rencontré par hasard un volontaire des FFI qui travaillait dans l’entreprise où j’étais apprenti. Il m’a raconté qu’un grand bombardier venait juste de survoler le pont. Quelques minutes plus tard, nous avons vu revenir ce quadrimoteur. Au-dessus des « Karimatte » entre Steinbourg et Rosenwiller, il a parachuté 6 membres de son équipage. Peu de temps après, lors de son troisième et dernier passage, la Forteresse Volante est revenue vers nous, mais cette fois, en volant à très basse altitude. Craignant qu’elle ne s’écrase, j’ai vite quitté le pont pour m’abriter sous un poirier bordant la route de Waldolwisheim, à 20 m de l’actuel rond-point.
J’ai appris bien plus tard, qu’en situation d’urgence, le pilote pouvait enclencher un système de pilotage automatique de détresse qui maintenait l’appareil sur une trajectoire circulaire.
En levant les yeux vers l’énorme machine qui passait au-dessus de moi, je vis que 2 autres membres de l’équipage venaient de sauter. Le parachute du premier s’ouvrit in extremis, à moins de 10 m du sol. L’aviateur toucha terre à quelques mètres de moi ; son premier geste fut d’embrasser le parachute qui venait de lui sauver la vie.
Lorsque je m’avançais vers lui pour lui proposer mon aide, il sortit son revolver, le pointa vers moi en me questionnant : «Américan or German » ? Aussitôt, je répondis «American». Rassuré, il rengaina son arme. -Sans doute craignait-il de tomber entre les mains des Allemands, la ligne de front n’étant à ce moment qu’à 20 km, vers Schillersdorf et Rothbach-.
Son camarade, le mitrailleur Thomas E. Eason, qui avait sauté quelques instants plus tard, connu un sort tragique : son parachute s’étant mis en torche, il s’est tué sur le sol enneigé, à l’emplacement de l’actuelle rue des Tilleuls du lotissement Kreutzwald.

L’avion a ensuite survolé les arbres du Kreutzwald, frôlé le clocher de l’église de Waldolwisheim, puis a réussi à se poser sur le ventre dans la neige, à l’Ouest d’Altenheim, en fauchant un poteau électrique. Le pilote et le co-pilote qui étaient restés à bord, étaient indemnes. A l’arrivée des premiers villageois, le pilote priait, agenouillé devant l’avion ». 

Le pilote du B17-G 48151 « Princess Pat », Earl D. Greenstreet, âgé de 21 ans et dont c’était sa 4ème mission, a fauché un poteau électrique (au premier plan) avant de se poser sur le ventre sur le sol enneigé, entre Waldolwisheim et Altenheim au lieu-dit « Steinberg ». (5)

D’autres atterrissages ont lieu dans le secteur, les pilotes craignant de ne plus pouvoir franchir la ligne des Vosges avec leurs appareils endommagés. Le lendemain, la Forteresse Volante B17 « Smashing Time », également touchée par la FLAK, atterrit entre Rosenwiller et Steinbourg au retour d’une mission sur Aschaffenburg.

Il est intéressant de noter une anecdote plutôt amusante comme il y en a parfois lors des pires périodes : Juste après guerre, résidait à Waldolwisheim, Aloïse Caspar, artisan plombier, électricien et réparateur en tout genre, mais surtout bon bricoleur et qui avait également récupéré des pièces sur le Princess Pat, ne sait-on jamais… Il a, entre-autre, fabriqué le poste à souder, ainsi que le compresseur pour son atelier, avec des pièces récupérées dans un char hors d’usage.

Mais voici qu’un beau jour, l’horloge de l’église de Steinbourg tomba en panne ; on fit donc appel à Aloïse. La transmission entre le mécanisme et les cadrans, était défectueuse et il fallut absolument la remplacer. Ne trouvant pas de pièce neuve en cette période de pénurie, Aloïse adapta un cardan du bombardier « Princess Pat » et le greffa dans le mécanisme plutôt complexe de l’horloge. Celle-ci se remit à trotter de plus belle !
Voici comment un bombardier américain, qui a failli coûter la vie au clocher de Waldolwisheim… a contribué à ressusciter l’horloge de l’église de Steinbourg.

Un autre témoin, Jean-Marie Cremmel, se souvient aussi de ce jour du 20 janvier 1945 : «Le front se trouvait à une vingtaine de km de chez nous. (6) "Des avions nous survolaient fréquemment. Inutile de dire que les équipages alliés touchés par des tirs ennemis ou tombés en panne essayaient de gagner le territoire occupé par les Américains. C’est ainsi qu’on a assisté de temps à autre à un atterrissage forcé.

Une superforteresse survolait la forêt du Kreutzwald, à gauche du terrain d’aviation et se dirigeait vers nous. Un moteur dégageait de la fumée et j’avais de suite compris qu’il n’ira plus très loin. Je vois des hommes qui sautent et des parachutes qui s’ouvrent. L’un d’eux pourtant continue à tomber sans que son parachute n’apparaisse, du moins aussi longtemps qu’il m’était possible de le suivre du regard . (Nous apprendrons, par la suite, qu’il s’est tué, son parachute s’étant ouvert trop tard).

L’avion nous survole en direction de Waldolwisheim en perdant de l’altitude. Nous devinons qu’il va s’écraser. Aussi, mon frère et moi, nous nous mettons en route pour voir ce qui s’est passé. Au village, on nous signale qu’il s’est abbattu dans le vignoble du « Steinberg » (lieu-dit que nous connaissons bien, puisque nous y possédons une vigne). De loin déjà nous apercevons le géant plaqué contre la colline. Sur son parcours un poteau électrique a été coupé net. On se croirait au pays de « Liliput », car autour de l’énorme « jouet » on voit bouger les petites silhouettes des premiers curieux arrivés sur place. Enfin nous y voilà. Je n’ai jamais vu un avion de cette taille. Tout paraît démesuré. On apprend que seuls deux membres de l’équipage sont restés aux commandes : le pilote et le copilote. Les deux aviateurs en étaient quittes pour, certainement, une belle frayeur et un nez cassé pour l’un d’eux ».

Le « Princess Pat » a été désarmé par les américains qui ont récupéré les 4 moteurs et les 12 mitrailleuses. Le reste de l’épave a été vendu par les Domaines et ferraillé par le garagiste Zeiher.On distingue derrière l’épave, la trace de ripage de l’avion dans la neige et le sol gelé.

Les codes marquage :
    J : Sur la queue = 390th Bomb Group.
    48151 : Année de construction 1944 et n° de série 8151
    CC : Sur le fuselage = 569th Bomb Squadron

 

Par un concours de circonstances et de relations, je suis aujourd’hui en lien avec le fils du copilote William H. Guion Jr. qui, de son côté, cherchait des témoins de cet accident. C’est avec beaucoup de plaisir que je lui ai transmis ce récit relatant le court séjour mouvementé de son père dans notre petit coin d’Alsace.

 

Les 10 hommes d’équipage :

Earl D. GREENSTREET
Pilote
William H. GUION Jr.
Co-pilote
David M. ROCHE
Navigateur
George J. ARNOLD
Bombardier
Kenneth E. TRICKER
Ingénieur - mitrailleur tourelle sup.
Victor J. DEMAISE
Opérateur radio
Cletus L. WADLOW Jr.
Mitrailleur tourelle
Thomas S. LEIBNER
Mitrailleur de queue
John D. LOCKWOOD
Brouilleur radar
Manque sur la photo
Thomas E. EASON
Mitrailleur gauche
Mort lors du saut en parachute


Sources, bibliographie et remerciements :
(1) Photographies : Archives du 390th Memorial Museum-Arizona, B. Linder
(2) Le 390è groupe de bombardement lourd, préparé pour le combat avec des B-17, a été créé le 15 janvier 1943, puis affecté à la 8è Air Force basée à Framlingham en Angleterre.
Il a participé, entre-autre, aux bombardements de l’usine Messerschmitt à Ratisbonne, l’usine d’huile synthétique de Schweinfurt, les gares de triages de Francfort et Heilbronn, les ponts de Cologne, les installations pétrolières à Zeitz, des usines à Mannheim, les installations navales de Brême, les raffineries à Merseburg mais aussi de la côte près de Caen lors du débarquement allié.
(3) Hubert Philippe, historien, a aimablement fait le lien avec le 390th Bomb Group Mémorial Museum en Arizona.
(4) Raymond Heschung a conservé des documents et des notes personnelles de la Deuxième Guerre Mondiale. Il a vécu ce conflit dans sa jeunesse à Neuwiller les Saverne.
(5) Le nom des lieux, le Steinberg (lieu du crash) et la commune de Steinbourg prêtent peut-être à confusion et plusieurs documents mentionnent ces deux dénominations. On relève également des confusions entre le Princess Pat et le Smashing Time, ce dernier ayant atterri le lendemain.
(6) Souvenirs évoqués par Jean-Marie Cremmel, habitant alors la maison familiale (Restaurant à l’ « Etoile du Matin ») au carrefour des routes de Saverne-Dettwiller et Steinbourg-Waldolwisheim.

© Bernard LINDER
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